On distingue différents types de marques. Chacun possède des avantages et des inconvénients, qu’il est utile d’avoir à l’esprit lorsqu’on souhaite créer une nouvelle marque ou un nouveau produit, et ce, qu’il s’agisse d’un bien ou d’un service.
La marque produit
La marque produit est associée durablement à un produit (ou un type de produit) spécifique. En possédant plusieurs marques produits, une organisation se laisse beaucoup de souplesse en matière de communication, a fortiori si elle cible des publics très variés (n’ayant pas les mêmes attentes, les mêmes « codes » ou encore le même pouvoir d’achat). C’est une vraie force pour développer une stratégie de marque optimale, avec une charte graphique spécifique, un positionnement unique et une identité bien marquée.
Un autre atout de la marque produit réside dans le fait qu’en cas de problème avec le produit en question (ex. : scandale sanitaire, dérapage d’une égérie associée à la marque, etc.) les autres marques de l’entreprise ne sont pas – ou peu – éclaboussées. Dans le tout nouvel épisode de la saga « la crise des eaux minérales françaises », ce sont deux millions de bouteilles Perrier que Nestlé annonce avoir détruit « par précaution »
. On peut s’attendre à ce que l’image de marque de Perrier soit provisoirement voire durablement ternie, mais il me semble peu probable que l’autre marque d’eau gazeuse du groupe, San Pellegrino, soit victime par ricochet de la défiance des consommateurs… La marque produit érige en effet des frontières entre les différents produits d’un groupe. Cela vaut aussi lorsqu’une marque est la « victime collatérale » d’un bad buzz, à l’instar de Sofitel Hotels & Resorts. À sa seule évocation, difficile de ne pas repenser à « l’affaire DSK », que les journalistes évoquaient aussi sous le nom « d’affaire du Sofitel », au point que nous associons aujourd’hui encore la marque à cet événement médiatique. En revanche, Mercure, Ibis ou Novotel étant elles aussi des marques produits, elles n’ont probablement pas été impactées, bien qu’elles fassent partie du même groupe hôtelier que Sofitel.
Le principal revers de la médaille avec l’emploi d’une marque produit, c’est que la promotion d’un produit ne profite pas aux autres marques éventuelles de l’organisation. Il est nécessaire d’avoir une communication spécifique pour chaque produit, ce qui se révèle souvent chronophage et coûteux.
La marque gamme
La marque gamme rassemble différents produits appartenant à la même famille de produits. Amora constitue un bon exemple. La marque est associée à la fois à de la moutarde, des cornichons, diverses sauces et vinaigrettes : des produits bien distincts, mais tous rattachés à la famille des condiments. De la même façon, Axe propose à la fois des déodorants, des parfums, des gels douche ou encore des soins capillaires, tous rattachés à l’univers des produits d’hygiène et cosmétiques.
Le principal avantage des marques gamme ? La confiance accordée par les consommateurs à un produit est facilement déportable à des produits proches. Reprenons nos deux exemples précédents. Si Madame Michu achète toujours de la moutarde de marque Amora, le jour où elle veut acheter du ketchup pour ses petits enfants et qu’elle se retrouve au supermarché face à pléthore de références, son choix se portera probablement sur la marque à laquelle elle fait déjà confiance (quand bien même elle n’aurait jamais goûté le ketchup Amora). De même, si le jeune Kevin ne jure que par le déodorant Axe, on imagine que son attention sera plus facilement retenue le jour où une publicité lui présentera un nouveau shampoing de cette même marque.
La marque ombrelle
La marque ombrelle s’emploie pour abriter (d’où son nom) des catégories de produits hétérogènes, qui ne se situent pas sur le même marché, mais rattachés à une même entreprise. On peut citer entre autres la marque SEB, associée aussi bien à des articles culinaires qu’à des fers à repasser, des sèche-cheveux, des pèse-personne, des ventilateurs…
L’utilisation d’une marque ombrelle permet à chaque produit couvert par la marque de profiter de sa notoriété et de son image. Mettre à profit le capital de marque peut s’avérer très judicieux pour faciliter le lancement d’une nouveauté. Le nouveau produit bénéfice alors de « l’aura » de la marque, cette dernière étant perçue comme un gage de sérieux, de crédibilité. Par ailleurs, une marque ombrelle permet de limiter les coûts de communication associés à la promotion d’un produit. On peut supposer qu’une campagne de pub Calor pour un nouvel épilateur peut doper dans le même temps les ventes de ses fers à lisser ou même de ses fers à repasser, par un phénomène d’imprégnation.
Opter pour une marque ombrelle, c’est toutefois prendre le risque de voir tous ses produits exposés à la méfiance voire au boycott des consommateurs en cas de scandale, y compris si ce dernier ne concerne en réalité qu’un produit ou qu’une gamme en particulier. C’est un danger à ne pas négliger.
Un autre inconvénient potentiel lié à l’usage d’une marque ombrelle me semble être celui de fragiliser la crédibilité de la marque. En vendant des produits trop hétérogènes, on peut donner l’impression que l’entreprise s’intéresse à beaucoup de domaines, mais n’est spécialiste d’aucun… À ce propos, un client me partageait récemment sa contrariété de voir l’un de ses fournisseurs se disperser, en ajoutant à son catalogue tout un tas de produits éloignés de son cœur de métier, et néanmoins commercialisés sous sa marque. Des produits « hors sujet », pour certains importés de Chine (alors que l’entreprise est un fabricant européen), qui peuvent à la fois brouiller le message et nuire à l’image de marque, si ces articles secondaires ne donnent pas satisfaction à leurs utilisateurs.
La marque caution
L’expression de marque caution fait référence à deux pratiques distinctes. La première consiste à réunir sous un même nom différents articles appartenant au même univers. En ce sens, elle se rapproche un peu de la marque ombrelle, mais avec une diversité de produits moindre. Si vous m’avez bien suivie, vous devriez penser que la marque caution est donc plus ou moins synonyme de marque gamme. Cependant, elle s’en distingue par le fait qu’elle fonctionne en tandem avec une seconde marque, celle du produit en lui-même, à qui elle vient, comme son nom l’indique, apporter sa caution. Certains parlent aussi de « marque mère » et de « marque fille ». Parfois, la marque produit prend plutôt la forme d’une marque dérivée de sa marque caution : Blédina propose ainsi ses Blédilait, Blédichef et autres Blédîner ; Danone commercialise ses Danette, Danacol, Danao… Lorsqu’on on récupère son radical (ou même son nom entier, en lui en accolant un autre, à la manière de P’tit Dop), la marque mère est alors appelée marque éponyme : « qui donne son nom à ».
L’emploi de marques caution est très répandu dans le domaine agroalimentaire. Danone, Kellogg’s, Lu : voilà quelques exemples de marques caution bien connues. Sur les emballages de yaourts, de céréales ou encore de biscuits de grandes marques, il est très courant d’observer deux logos : celui de la marque produit et celui de la marque caution. Cette dernière est plus ou moins mise en avant. Elle « fusionne » parfois avec le nom du produit, comme c’est le cas des produits Kinder (Kinder Country, Kinder Bueno, etc.). Un choix payant pour transporter facilement la confiance et l’attrait d’un produit historique vers un nouveau produit de l’entreprise. Il s’agit néanmoins aussi d’un pari risqué, dans l’hypothèse où certains produits se retrouveraient un jour au cœur d’un scandale. Ce fut le cas justement pour Kinder, au printemps 2022. La présence de salmonelles dans certains lots des marques Kinder Surprise, Kinder Choco fresh et Kinder Schoko-Bons (entre autres) a entraîné de nombreuses contaminations et plusieurs hospitalisations. À n’en pas douter, cet épisode médiatique a impacté négativement les ventes (en pleine période de Pâques !) de tous les produits Kinder, y compris ceux qui n’étaient pas concernés par les mesures de rappel. En revanche, seuls les clients les plus avertis et/ou les plus méfiants auront alors eu des réticences à acheter des produits de marque Duplo ou Nutella, qui appartiennent au même groupe que les produits Kinder (et dont on pourrait donc supposer qu’ils sortent potentiellement des mêmes usines et/ou présentent les mêmes lacunes dans leurs contrôles). À côté de cela, les marques Tictac ou Délichoc (et sa marque caution Delacre) n’ont sûrement pas été victimes d’un boycott, bien qu’elles fassent également partie du groupe Ferrero. Un autre scandale sanitaire, remontant lui aussi au printemps 2022, témoigne encore des liaisons parfois dangereuses entre une marque produit et sa caution. Je fais référence aux pizzas Fraich’Up de Buitoni. Leur contamination par la bactérie Escherichia coli a entraîné une cinquantaine d’intoxications alimentaires et le décès de deux enfants. Il y a fort à parier que les autres produits Buitoni ont été entachés par cette triste affaire. À l’inverse, il est peu probable que les autres marques produit, gamme ou caution du groupe Nestlé aient pâti de cet événement.
Il est aussi question de « marque caution » pour désigner les marques de distributeur – MDD – (un autre type de marque, d’ailleurs !) utilisées pour promouvoir une caractéristique d’un produit. Ainsi, U Bio, Carrefour Bio ou encore Bio Naïa font office de marques caution (et de marques gamme) pour regrouper les produits biologiques d’une MDD. Le caractère régional de certaines spécialités culinaires est quant à lui mis en avant au travers de marques caution comme Nos régions ont du talent, Reflets de France, Saveurs de nos Régions…
La marque générique
Si je vous dis : « Passe-moi le velleda, que j’ajoute sur l’ardoise du frigidaire que je dois racheter du sopalin et des kleenex. », je réunis pas moins de quatre marques génériques dans une même phrase ! Vous l’aurez compris, on appelle marque générique une marque rencontrant (ou ayant rencontré) un succès considérable, au point que son nom est désormais employé pour toute une catégorie de produits. Ces marques sont en quelque sorte devenues des noms communs (il s’agit d’ailleurs d’un type d’antonomase de nom propre). Parfois, on les transforme même en verbe. Ce disant, je repense à la comédie Quai d’Orsay, dans laquelle Thierry Lhermitte, au travers du personnage d’Alexandre Taillard de Worms, nous régale avec son obsession pour les feutres Stabilo. « Un livre, pour savoir s’il est bien, j’ai à peine besoin de le lire, je le stabilote intuitivement »
, affirme ainsi le ministre des Affaires étrangères !
Voir sa marque devenir une marque générique constitue une belle récompense, puisque c’est le signe d’un véritable succès populaire. Néanmoins, on peut imaginer qu’une telle banalisation de sa marque ne présente pas que des avantages. Difficile de garder une certaine maîtrise de son image de marque lorsque tout à chacun emploie son nom dans le langage courant, pour désigner potentiellement des produits de qualité très variable.
En tant qu’entreprise, il est utile de connaître les marques génériques associées à son domaine d’activité, afin d’éviter tout impair. Un confiseur peut ainsi vendre des pâtes de guimauve, mais ne devrait pas proposer en théorie de Chamallow. Dans le domaine de l’habillement, on parlera de fermeture à glissière plutôt que de Fermeture Éclair et de coupe-vent plutôt que de K-way.
Pour les distributeurs et les revendeurs, il n’est pas toujours simple de composer avec les marques génériques. Je me souviens bien, il y a quelques années, avoir tapé « sopalin » dans la barre de recherche du site marchand Leclerc Drive. J’avais obtenu différents résultats. On me proposait plusieurs modèles d’essuie-tout, mais… aucun de la marque Sopalin. Je m’étais fait la réflexion que c’était quand même un peu gonflé de la part du distributeur de profiter du mot-clé sans même référencer la marque dans ce drive ! Depuis, Leclerc a dû se faire taper sur les doigts, car lorsque je renouvelle ma requête dans le moteur de recherche interne, j’obtiens désormais le message « Aucun résultat ne correspond pas à votre recherche », sans le moindre renvoi vers des produits apparentés. Ce type de contrainte juridique contrarie sûrement beaucoup de distributeurs, qui dans une optique de référencement, cherchent toujours à se rapprocher au plus près des termes et intentions de recherche des internautes.
La page Wikipédia « Liste de marques utilisées comme noms » vous permet de retrouver d’autres exemples bien connus de marques génériques, mais à sa lecture, vous aurez certainement des surprises ! Pour ma part, j’ignorais par exemple que Alcootest, Carte Bleue, Cocotte-minute ou encore Pierrade correspondent à des noms de marques.
Nota Bene : nous n’entretenons aucun lien commercial, ou de quelque autre nature, avec les marques citées dans cet article. Chaque exemple a été retenu pour sa capacité à parler au plus grand nombre et/ou à illustrer le propos.